Evaluation entreprise : les tendances récentes
Nous examinerons rapidement les deux aspects principaux qui nous semblent avoir eu un impact sur les approches d’évaluation au cours de ces dernières années. Le premier concerne l’environnement macro-économique et le second tient à l’environnement réglementaire des entreprises.
Éditeur Pansard & Associés
Nouvelles approches d’évaluation
Il est banal de constater que l’environnement économique au cours de ces dernières années a été marqué par deux éléments majeurs : une forte volatilité qui remet en cause l’appréciation des risques et une croissance significativement réduite dans les pays développés.
L’appréciation du risque a toujours été la partie la plus difficile de l’évaluation d’entreprise
Elle suppose la compréhension à la fois des facteurs internes à l’entreprise et des facteurs externes.
Les méthodes communément utilisées depuis une quarantaine d’années supposent que l’appréciation du risque doit être traduite par l’utilisation d’un taux d’actualisation unique appliqué aux cash-flows futurs, ce taux s’élevant bien évidemment avec le risque tel qu’il est perçu par l’évaluateur. Cette approche a le mérite de la simplicité. Elle fonctionne assez bien dans les périodes où l’économie est peu chaotique et où les entreprises suivent une trajectoire stable. Nous ne vivons malheureusement plus dans ce type d’environnement.
Les professionnels perçoivent intuitivement le fait qu’appliquer une méthode linéaire comme le Discounted Cash Flow dans un univers à forte turbulence est un exercice peu satisfaisant. Ils tentent de résoudre ce problème par plusieurs approches : des taux d’actualisation qui changent au cours du temps, des cash-flows futurs probabilisés pour prendre en compte l’incertitude à la fois dans les taux d’actualisation et dans les revenus potentiels de l’entreprise. Il n’en reste pas moins vrai que le Medaf (Modèle d’Evaluation des Actifs Financiers) qui est encore à l’heure actuelle le modèle dominant est fondé sur un univers faiblement aléatoire qui ne correspond que très peu à la réalité économique.
Le MEDAF suppose par ailleurs l’utilisation d’un taux sans risque qui était traditionnellement celui des obligations d’État à long terme. La politique actuelle des banques centrales a abouti ces dernières années à des taux des obligations d’État extrêmement faibles.
« le rendement sans risque à laissé la place à un risque sans rendement »
Le second élément macro-économique qui caractérise la période actuelle est la faible croissance qui affecte la plupart des pays développés. Ceci a pour conséquence des divergences marquées entre les performances des firmes selon qu’elles sont capables ou non de s’adapter à ce type de conjoncture. Il devient donc essentiel pour évaluer une entreprise de procéder à une analyse approfondie de ses ressources stratégiques pour émettre une opinion sur sa capacité à créer de la valeur. Cet exercice était beaucoup moins développé il y a quelques années lorsque la plupart des entreprises étaient portées par la croissance économique. Il a par ailleurs un caractère beaucoup plus qualitatif que quantitatif.
Dans le domaine réglementaire, l’évolution des normes comptables (notamment l’introduction des IFRS) a eu elle aussi un impact significatif sur les pratiques d’évaluation. Même si le cadre conceptuel des IFRS ne prétend pas fournir tous les éléments d’information sur la valeur d’une entité économique, il suppose néanmoins que le lecteur des états financiers puisse avoir des éléments d’appréciation qui ne soient pas exclusivement fondés sur des notions historiques contrairement aux normes comptables antérieures.
En ce qui concerne les titres de participation, les auditeurs doivent donc désormais se livrer à un exercice difficile pour s’assurer que la valeur telle qu’elle apparaît dans les comptes est conforme à une réalité économique.
Un premier bilan des problèmes constatés
L’évaluation d’entreprise, qui était auparavant une technique utilisée surtout par les praticiens des fusions-acquisitions et dans le domaine contentieux, s’est donc invitée dans la pratique professionnelle des auditeurs.
- On observe une très grande attention portée aux problèmes des taux d’actualisation supposés être la traduction complète des risques futurs de l’entreprise. Ceci aboutit parfois à des débats où la complexité du calcul masque une faible analyse économique.
- Les facteurs concurrentiels et de marché sont souvent analysés de façon superficielle.
- Les auditeurs s’appuient encore bien souvent sur les analyses et sur les hypothèses stratégiques du management de l’entreprise alors qu’ils sont supposés mettre en question ces éléments avec un regard critique. Leur manque d’entraînement dans ce domaine les place bien souvent dans une situation difficile pour pouvoir examiner les arguments de l’entreprise.
Nous vivons donc une période paradoxale dans laquelle les praticiens spécialisés remettent en question leurs modèles traditionnels en introduisant davantage d’analyse économique que de méthodes de calcul. Il est particulièrement éclairant à ce propos d’observer l’évolution d’Aswath Damodaran qui enseigne l’évaluation depuis une trentaine d’années à New York University et qui est probablement l’un des universitaires les plus connus dans le monde en matière d’évaluation : alors qu’il s’est longtemps appuyé sur des modèles exclusivement quantitatifs, il admet désormais que la compréhension de la stratégie est un élément décisif de l’évaluation.
Une bonne évaluation est « une histoire appuyée par des chiffres ». Damadoran
Alors que les utilisateurs tels que les auditeurs semblent pour le moment se concentrer sur l’application des modèles de calcul qui sont probablement plus proches de leur culture traditionnelle que l’analyse économique qui devrait être au cœur de l’évaluation d’entreprise.
Le domaine est donc en pleine évolution. La référence au marché boursier qui était traditionnellement l’un des points de repère des évaluateurs apparaît de plus en plus fragile. La réduction massive du nombre de sociétés cotées sur les grandes bourses mondiales accompagnée de l’émergence du Private Equity rendent plus difficile l’utilisation des comparables. Dans le même temps, l’économie comportementale a détruit la croyance dans l’efficience des marchés.
Les évaluateurs doivent donc parcourir un chemin difficile.
Les modèles rustiques datant des années 1960 ne résistent pas bien à l’économie actuelle. La connaissance des entreprises doit être approfondie et le passé récent ne peut plus être le seul indicateur de l’avenir probable des entreprises.
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