Comment déterminer la marge de sécurité

Pour une entreprise, l’avenir dépend à la fois de l’évolution du monde extérieur et des décisions qui seront prises au cours du temps par l’équipe de direction. Il y a donc là un grand nombre de variables que nous pouvons identifier mais difficilement prévoir.

Éditeur Pansard & Associés

Dans la vie des entreprises, nous sommes fréquemment obligés de prendre des décisions dont l’impact porte sur plusieurs années. Le plan de financement d’un rachat d’entreprises est établi sur cinq à sept ans, le plan d’apurement du passif dans un redressement judiciaire est souvent déterminé sur huit à neuf ans.

Dans un monde idéal, ceci supposerait que nous soyons capables de prévoir l’avenir.

      Pour une entreprise, l’avenir dépend à la fois de l’évolution du monde extérieur et des décisions qui seront prises au cours du temps par l’équipe de direction. Il y a donc là un grand nombre de variables que nous pouvons identifier mais difficilement prévoir. Beaucoup de prévisionnistes d’entreprise sont conscients du problème mais considèrent que les variables étant trés nombreuses et aléatoires la solution la plus simple est de considérer qu’elles resteront constantes dans la période de planification. En d’autres termes ils considèrent que le passé récent est le meilleur indicateur de l’état de l’entreprise dans les prochaines années.

        Malheureusement dans la plupart des cas cette hypothèse n’est pas confirmée par la réalité. Elle peut être validée quelque mois par exemple pour des plans de trésorerie mais pas plusieurs années pour un plan à moyen terme.

Comment procéder ?

Le problème est bien connu des architectes et des ingénieurs. Ceux-ci doivent en effet construire des bâtiments, des bateaux ou des avions qui devront affronter un environnement par nature incertain. Comme il est peu envisageable de construire un paquebot qui aurait 10 % de probabilité de couler dans une tempête de force 9 ou 10, les ingénieurs utilisent les techniques de simulation. Celles-ci fonctionnent toujours de la même façon : on identifie les variables d’entrée d’un système et leur impact sur la variable de sortie que l’on veut examiner. Pour chaque variable d’entrée on détermine les valeurs possibles qu’elles peuvent prendre ainsi que leur loi de probabilité. L’ordinateur va ensuite tirer au sort des milliers de cas et déterminer la fourchette de valeur que va prendre la variable de sortie. Au lieu d’avoir une valeur unique pour cette variable de sortie on aura donc une courbe probabilisée avec notamment les valeurs extrêmes les plus défavorables que peut prendre la variable de sortie. Pour revenir au cas du paquebot, l’épaisseur des tôles sera déterminée pour que la résistance soit suffisante avec une probabilité de rupture inférieure à 1/100 000 000 d’événements.
Lorsqu’il n’y a pas de mise en jeu de la vie humaine, ce qui est généralement le cas en gestion d’entreprise, les probabilités de rupture admises sont beaucoup plus élevées. Pour une entreprise la rupture se traduit par une impasse de trésorerie. On considère fréquemment qu’un risque de 5 % peut être considéré comme admissible.

Il et nécessaire d’avoir une marge de sécurité

 C’est-à-dire une réserve de trésorerie permettant de faire face aux aléas. Cette idée n’est pas nouvelle. Elle remonte aux années 1930 (Benjamin Graham) mais elle a souvent été négligée par les opérateurs qui estiment que le passé récent est un bon indicateur de l’avenir. Il s’agit là d’un biais cognitif qui a été largement décrit par tous les chercheurs en économie comportementale.
Son mode de calcul peut être estimé en pourcentage du chiffre d’affaires.

Quels sont les paramètres à mesurer ?

La volatilité du chiffre d’affaires qui dépend à la fois du secteur, de la récurrence de volume et de la concentration des clients.

La volatilité du taux de marge qui dépend de facteurs internes comme les choix stratégiques mais aussi de l’intensité de la concurrence.

Le niveau du levier opérationnel qui mesure la part de frais fixes dans le chiffre d’affaires.

 Le niveau du besoin en fonds de roulement qui correspond à l’impact de la longueur du cycle économique de l’entreprise.


Des charges financières obligatoires c’est-à-dire le remboursement annuel de dette plus les investissements nécessaires au maintien en activité de l’entreprise.

prenons un exemple…

Soit une entreprise dont la volatilité du chiffre d’affaires c’est-à-dire la variation possible maximale de l’année N par rapport à N – 1 est de 40 %.
La marge sur coûts variables est de 40 %.
Le résultat opérationnel de l’année N est de 9 % donc les frais de structure représentent 31 % du chiffre d’affaires soit 31 pour l’exemple que nous étudions.
Le besoin en fonds de roulement s’élève à 20 % du chiffre d’affaires.
Les charges de remboursement d’emprunt et d’investissement représentent 5 % par an du chiffre d’affaires de l’année N

L’équation de détermination de la marge de sécurité  est la suivante :
(la contrainte est donc que la société continue de rembourser ses charges d’emprunt avec une baisse de chiffre d’affaires de 40 %.)

Considérons que le chiffre d’affaires de l’année N est de 100.
Le chiffre d’affaires de l’année N +1 décline à 60 , la marge sur coûts variables diminue à 24, la structure est inchangée à 31 la perte opérationnelle est donc de sept, auxquels s’ajoutent les cinq correspondants au remboursement de charges d’emprunt ce qui fait un besoin de financement de 12. La réduction du besoin en fonds de roulement est égale à 40 que multiplient 20 % soient huit. La société doit donc pour une année prélever quatre dans ses réserves de sécurité.

Il faut noter un facteur très important : si le chiffre d’affaires se maintient une deuxième année au même niveau, la société ne bénéficiera plus d’une réduction du BFR ce qui veut dire que le besoin de prélèvement dans les réserves ne sera plus de 4 mais de 12 ce qui signifie qu’en l’absence de réduction de ses frais de structure la société aura besoin en cumul sur deux années de prélever dans ses réserves l’équivalent de 16 % du chiffre d’affaires annuel.
Si elle avait un cycle plus court donc un BFR de 10 % du chiffre d’affaires le montant à prélever dans ses réserves serait de 12 -moins quatre soit huit dès la première année.

 Avec le modèle que nous venons de construire la variable de sortie sera l’état de la trésorerie à la fin de chaque année du plan. Pour observer l’état de cette variable on pourrait donc changer manuellement chacune des variables d’entrée et observer la situation de trésorerie qui en découle.
C’est l’approche fréquemment utilisée par les prévisionnistes qui construisent des modèles statiques. Après quelques tâtonnements, ils choisissent en général les valeurs de variables d’entrée qui leur permettent d’avoir une valeur de variables de sortie qui soit considérée comme satisfaisante.

Chacun mesure le peu de crédibilité d’un tel modèle.

comment se construit une véritable simulation ?

Elle consiste pour chaque variable d’entrée à définir une plage de valeur ainsi que la loi de probabilité qui s’y attache. Le nombre de variables d’entrée n’est pas limité. Le système va ensuite calculer plusieurs milliers de fois la valeur de la variable de sortie avec pour chaque calcul une valeur différente des variables d’entrée. Lorsque ces calculs sont terminés on possède plusieurs milliers de valeurs pour la variable de sortie ainsi que la probabilité de chacun des résultats. Supposons dans notre exemple que nous voulons que la probabilité d’avoir une trésorerie négative soit inférieure à 5 %. Pour définir la marge de sécurité nécessaire nous devons calculer le niveau maximum de trésorerie manquante avec une probabilité inférieure ou égale à 5 %. La simulation va nous indiquer ce montant et ce montant devra être considéré comme l’apport minimal de financement nécessaire pour couvrir les aléas des prochaines années.

Bien entendu ce modèle est très simplifié.

Nous avons notamment négligé deux facteurs : certaines variables d’entrée peuvent avoir un coefficient positif de corrélation ce qui signifie qu’une variation du chiffre d’affaires peut être corrélée avec une variation du taux de marge par exemple. Nous avons aussi négligé la capacité d’adaptation de l’entreprise qui peut, en voyant que son chiffre d’affaires baisse, adapter ses investissements et ses frais de structure.

  Techniquement ces deux paramètres peuvent être intégrés dans un modèle de simulation. On comprend intuitivement que le premier est un facteur d’accroissement du risque puisque si les variables sont corrélées positivement leur volatilité va augmenter alors que le second est un facteur de réduction du risque puisque les décisions prises par l’entreprise vont lui permettre de s’adapter avec un délai au changement de son environnement.

Confrontés à de nombreuses incertitudes, les êtres humains ont toujours intuitivement utilisé la notion de marge de sécurité. Il n’y a donc là rien de nouveau. On constate simplement que selon la personnalité de celui qui doit agir cette notion intuitive se traduit par des décisions très différentes. Les tempéraments prudents introduiront d’énormes marges de sécurité alors que les tempéraments aventureux considéreront que la chance sera toujours de leur côté. Le problème pour les gens qui doivent examiner des prévisions est qu’ils ne connaissent pas nécessairement la personnalité des rédacteurs du plan. En général, les personnalités aventureuses indiqueront que leur plan est fondé sur des hypothèses extrêmement prudentes. Le lecteur expérimenté en tirera la conclusion inverse.

            Les méthodes de simulation sont donc loin d’être parfaites mais elles représentent un progrès significatif dans l’estimation chiffrée des marges de sécurité nécessaires dans un monde où l’incertitude reste le facteur dominant.

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