L’impact des hypothèses de croissance dans la valorisation d’une entreprise

Lors d’une fusion acquisition, la valorisation d’une entreprise est une opération complexe. Cet article soulignera l’importance du choix des hypothèses de croissances retenues.

Éditeur Pansard & Associés

Mesurer l’impact des hypothèses de croissance est essentiel

Lors d’une fusion acquisition, la valorisation d’une entreprise est une opération complexe. Cet article montrera comment les hypothèses de croissances influent ce processus.

L’évaluation d’entreprise nécessite d’appréhender la sensibilité de la valeur aux différents paramètres pris en compte. Notamment, comme le souligne cet article, il est important de mesurer l’impact des hypothèses de croissance retenues en fonction des taux de rendements des capitaux investis

Limites de la méthode des comparables dans l’évaluation d’une entreprise.

La méthode des comparables se
fonde sur l’idée que la valeur
d’une entreprise peut être déterminée en observant des transactions portant sur des entreprises similaires et dont le prix est connu. En déterminant le rapport entre la valeur d’entreprise et certains soldes intermédiaires de
gestion comme le résultat d’exploitation, on obtient ce qu’il est convenu d’appeler un multiple.
Il est bien connu que la méthode
des comparables se heurte parfois
à une difficulté : on observe que
les transactions portant sur des
entreprises de même taille et
appartenant au même secteur
s’effectuent avec des multiples
extrêmement différents
. Les
analystes se contentent généralement de prendre une moyenne des multiples observés, ce qui ne règle pas la question de la recherche des causes.

En effet, on sait que la détermination de la valeur intrinsèque d’une entreprise s’appuie sur plusieurs
hypothèses, les unes concernant le
risque donc le coût du capital, les
autres concernant le taux de
croissance. On a donc pu dire que
la valeur d’une entreprise est
représentée par la somme du
rendement de ses actifs actuels et
des options de croissance future.
Celles-ci sont le résultat de la
croissance globale du secteur et
des avantages compétitifs particuliers de l’entreprise par rapport à ses concurrents.
On constate fréquemment que les
analystes
, sur des entreprises de
taille petite ou moyenne, compte
tenu de la difficulté de faire des
hypothèses de croissance crédibles, se contentent de supposer
que l’entreprise restera stable sur
les prochaines années
. Ceci revient à retenir pour nulle la valeur
des options de croissance.

Mesure de l’impact des hyothèses de croissance sur la valorisation d’une entreprise.

Pour mieux mesurer l’impact des
différents paramètres sur la détermination des multiples, nous
allons utiliser un modèle construit
par Damodaran (cf. fichier joint «
Exemple de calcul d’impact.xls »)
que le lecteur pourra également
trouver sur le site de celui-ci3 (il
apparaît sous le nom firmmult.xls).
C’est un modèle classique de cashflow actualisé dans lequel les
entrées sont :

  • le résultat actuel
  • les capitaux engagés (somme
    des immobilisations et du besoin en fonds de roulement)
  • le coût du capital
  • les hypothèses de croissance.
    C’est un modèle à deux périodes,
    une période dite de croissance
    forte et une période de longue
    durée dans laquelle le taux de
    croissance ne peut pas être supérieur au taux de croissance globale de l’économie.
    Le modèle calcule avec ces paramètres une valeur d’entreprise et donne à la fois le multiple du résultat d’exploitation et la valeur d’entreprise rapportée aux capitaux engagés. Nous allons donc faire tourner ce modèle en considérant que le résultat d’exploitation ne change pas, et que le coût du capital est identique ce qui signifie que le niveau de risque est
    considéré comme semblable dans les différentes entreprises.
    Si nous prenons les hypothèses
    suivantes :
  • un résultat d’exploitation de 100
  • un capital investi de 300
  • un coût des fonds propres dans
    la première période de 21 %
  • un ratio de dette de 66 %
  • une croissance de 2 % dans les
    deux périodes.
  • un coût des fonds propres dans
    la seconde période de 17% avec
    un endettement de 30 %.

Nous obtenons une valeur d’entreprise qui est égale à 6,5 fois le résultat d’exploitation. Il convient de noter que ce résultat est obtenu avec une entreprise dont le rendement des capitaux investis
avant impôts est de 33 %. La
question que l’on peut se poser à
ce stade est de savoir quelle serait
la valeur d’entreprise si tous les
paramètres étaient identiques à
l’exception du rendement du
capital investi.
Pour le savoir, il suffit de reporter
dans le modèle un capital investi
non plus de 300 mais de 1.000 ce
qui correspond à un rendement
du capital investi de 10 % avant
impôts. On pourrait croire que la
seconde entreprise ayant un modèle économique de qualité inférieure, doit avoir une valeur très différente . On constate paradoxalement qu’il n’en est rien. Le modèle nous donne une valeur
très proche de 6,1 fois le résultat
d’exploitations.
Pour clarifier cette anomalie
apparente, il suffit de faire tourner
le modèle en conservant toutes les
hypothèses inchangées à l’exception du taux de croissance. Si l’on porte celui-ci à 5% dans la première période et à 4% dans la
seconde période, on constate que
le multiple du résultat d’exploitation passe alors à 8. On constate que dans ce cas le taux de croissance à un fort impact sur le
multiple. Prenons maintenant un
montant de capital investi de
1.000 ce qui correspond à un
rendement des capitaux engagés
avant impôts de 10 %. On obtient
alors une valeur d’entreprise égale
à quatre fois le résultat d’exploitation ce qui signifie que la croissance a détruit la valeur.

Comment s’analyse cet impact sur la valorisation ?

La raison en est simple : le rendement des capitaux investis est inférieur au coût moyen pondéré du capital.
Rappelons les chiffres :
le rendement après impôts des capitaux est de 6,6 % alors que le coût moyen pondéré du capital est d’environ 11 % dans la première période et de 13 % dans la seconde période. Il y a donc destruction de valeur et ce phénomène est d’autant plus marqué que l’entreprise connaît une croissance forte. Contrairement à une opinion parfois entendue la croissance n’améliore pas systématiquement le multiple, bien au contraire elle le diminue lorsque le modèle économique de l’entreprise est de qualité médiocre.
Pour résumer notre propos : le rendement des capitaux investis a
peu d’influence sur les multiples lorsque l’on compare des firmes dont la croissance est extrêmement faible. Ceci explique peut être le peu d’intérêt porté par beaucoup d’analystes à ce facteur.
Il en va tout autrement lorsque l’on compare des firmes en croissance, dans ce cas les firmes ayant un rendement élevé des capitaux investis bénéficient d’une très forte amélioration de la valeur alors que celles dont le rendement est inférieur au coût du capital voient leurs multiples chuter.

Camaieu, un exemple probant

Pour prendre un exemple actuel (mars 2007) sur le marché français, comparons deux firmes du secteur de la distribution textile :
Camaïeu et Etam. La première a un rendement des capitaux investis après impôts d’environ 55 % alors que la seconde ne dispose
que d’un rendement après impôts d’environ 20 %. Le marché attribue à la première une valeur d’entreprise égale à 20 fois son
résultat d’exploitation alors que la seconde est valorisée 14 fois ce
résultat. Un analyste qui se fonderait sur la moyenne de ces multiples pour valoriser une entreprise du secteur sans examiner d’abord le rendement des capitaux investis pourrait commettre une erreur significative. Il semble clair que le modèle économique de la première étant de meilleure qualité, le marché reconnaît que les options de croissance de Camaïeu ont une valeur importante.

EN CONCLUSION

En conclusion, retenons que si le coût moyen pondéré du capital
pour une entreprise non cotée se situe entre 10 % et 15 %, il conviendra de vérifier que le rendement après impôts des capitaux investis est supérieur à cette fourchette. Dans le cas contraire toute croissance de l’entreprise ne
pourrait que détruire de la valeur.
Il est surprenant de constater que certaines entreprises sont mises
sur le marché avec des estimations correspondant à des multiples
élevés alors que leur modèle économique ne justifie en aucun
cas cette appréciation. Par ailleurs, les méthodes d’évaluation qui
consistent à faire la moyenne entre l’actif net réévalué et la
valeur de rendement aboutissent généralement à accroître l’évaluation
de l’entreprise lorsque l’actif net est important alors que ceci ne
traduit qu’un rendement du capital investi insuffisant.
L’approche par les comparables est, avec les approches basées sur
les actifs ou sur les rendements, l’une des principales méthodes
adoptée en matière d’évaluation d’entreprise. Le choix de la méthode à utiliser est fonction de différents paramètres dont l’analyse est faite dans l’article

Publié par JF. Pansard dans la revue « Economie et Comptabilité ».

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